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Aujourd'hui, avons-nous vraiment besoin d'Internet ?

 

 

M. Bruno Louvet, emploi jeune à la Maison de l'emploi et Corinne Favier, secrétaire de direction, employée municipale, à la
Maison de l’emploi de Saint-Orens.

 

 

 

Mme Ghislaine Pélissier directrice de la Maison de retraite Ghislaine Pélissier et des retraités de la Maison de retraite Labouilhe de Saint-Orens

 

« En 2003, selon une étude Médiamétrie , 65% des foyers français équipés d’un micro ordinateur avaient accès à Internet à domicile dont un tiers à haut débit. On constate en particulier des progressions plus importantes que la moyenne chez les femmes, les 50 ans et plus, les catégories sociales défavorisées. Une certaine image d’Internet et de la fracture numérique en prend un sacré coup. A-t-on là un moyen de communication qui transcenderait  les générations et passionnerait autant les jeunes que les personnes âgées ? »

Aujourd’hui, avons-nous vraiment besoin d’Internet ?

Café’In a invité :

L’animateur était Michel Sarrailh.

Ghislaine Pélissier

Directrice de la Maison de retraite, elle vient d’initier un nouveau projet pour ses pensionnaires : un atelier d’informatique avec branchement sur Internet. Avec elle, sont venus plusieurs de ces retraités, âgés certains de 80, 84, 87 ans, eux aussi très dynamiques et  prêts à se lancer dans cette nouvelle aventure.  Des bénévoles de la Maison de retraite,  nous expliquent  qu’ils vont être eux-mêmes initiés par une personne elle-même volontaire (gendre d’une pensionnaire) pour pouvoir transmettre ensuite aux personnes âgées ce qu’elles auront appris. Enseignement mutuel qui montre que l’on peut à tout âge apprendre des autres, apprendre aux autres et avoir envie d’apprendre,  les bénévoles étant également des personnes âgées, même si elles n’atteignent pas l’âge de certains de leurs élèves.

Pour Ghislaine Pélissier, ce projet a deux objectifs : chercher  de l’information et pouvoir être relié au monde. Il aidera donc certaines personnes dépendantes  par le biais d’une webcam,  à garder des liens avec leur famille. L’idée lui est venue parce qu’elle avait une pensionnaire décédée depuis, dont la famille résidait en Australie. Elle aurait pu communiquer sans problème avec elle.

D’autre part, il faut renouveler les activités avec les personnes âgées car le jardinage et le tricotage sont un peu dépassés pour certains qui recherchent autre chose.

Un appareil photo numérique a été acheté .  Pour l’instant, un seul ordinateur est à disposition mais petit à petit, l’atelier va s’équiper. Les personnes âgées pourront avoir accès à  des Cdroms, des jeux et à un atelier thérapeutique pour stimuler la mémoire.

Pour l’instant, ces personnes utilisent principalement le courrier électronique pour communiquer avec leurs enfants et petits-enfants.

Intervention

Pensez-vous qu’ils ont l’état d’esprit pour cette activité ?

Ghislaine Pélissier :

La personne originaire d’Australie aurait beaucoup apprécié. Jusqu’à maintenant,  les personnes âgées utilisaient le fax, c’est donc tout naturellement qu’ils se tournent vers Internet qui ne les effraie pas.

Corinne Favier

 

est chargée de l’accueil des demandeurs d’emploi par la municipalité. Ceux-ci peuvent accéder à Internet gratuitement,  consulter les offres d’emploi et recevoir des informations sur les lettres de motivation, comment faire un CV. Ils peuvent les envoyer directement aux entreprises.

Bruno Louvet

initie les demandeurs d’emploi à l’utilisation d’Internet pour qu’ils deviennent autonomes. Il est présent pour répondre à toute demande. Les demandeurs d’emploi apprennent à naviguer sur le site de l’ANPE. Ils ont un point d’ancrage électronique et dans leur boîte, ils peuvent envoyer et recevoir des messages. Il peuvent faire des recherches sur des sociétés, avoir des informations sur les entreprises.

Interventions :

Finalement, l’intérêt d’Internet, c’est que grâce à son abonnement, on paye le téléphone moins cher. Et avec Free, le téléphone est gratuit en national et local. Le minitel était complètement  payant. Mais commencent à apparaître des micro-paiements, on verra où cela mènera. Y-a-t-il fracture numérique ? Le nombre de branchés ne cesse de grandir, des millions de personnes en France possèdent l’ADSL. En 1996, aux débuts d’Internet, 30.000 personnes seulement avaient une adresse et c’était essentiellement des universitaires. La fracture numérique existe oui, parce que tous les foyers n’ont pas d’ordinateur et encore moins Internet mais elle ne se situe pas sur la ligne de crête d’un certain revenu comme on pourrait le croire et l’âge n’est pas discriminant, au contraire, les personnes présentes ici sont très représentatives.

 

L’association Café’In a eu l’idée de refaire un débat sur le thème d’Internet alors qu’il avait fait l’objet d’une première réunion en 2002 « Internet favorise-t-il la démocratie ? » parce que la première semaine d’avril est traditionnellement maintenant depuis quelques années « la fête de l’Internet ». De nombreuses initiatives sont organisées dans les villes et de nombreux lieux pour faire connaître cet outil et le rendre gratuit et accessible cette semaine-là. 

Or d’après une récente enquête Médiamétrie, la démocratisation avance dans certaines catégories de la populations, là où l’on s’attendrait le moins à la trouver : entre 2002 et 2003, on note des progressions significatives :

  • chez les 50 ans et plus : + 34% : beaucoup de retraités qui ont le temps ? Voir les personnes  âgées de notre débat qui en sont un vivant exemple
  • les ouvriers : + 33% et les CSP- (Catégories Sociales Défavorisées) : + 31% auxquels on peut ajouter les employés : + 28%
  • les femmes : + 29%
 

Ce qui est significatif et notre assemblée le montre bien, c’est l’intérêt manifeste que portent des personnes de plus en plus âgées à Internet alors que des personnes plus jeunes, autour de trente, quarante ans sont parfois moins passionnées, en particulier en ce qui concerne les enseignants, on note souvent un manque d’enthousiasme si ce n’est un rejet. Chez les jeunes, c’est différent, ils y sont de plein pied, ils sont initiés dès l’école. Mais les personnes âgées de plus de 80 ans qui sont des internautes ne sont pas des exceptions, on en rencontre dans les clubs d’informatique. Internet n’est plus une technique minoritaire. On pourrait dire : la coupure se fait actuellement entre ceux qui ont envie et ceux qui n’ont pas envie car les prix baissent considérablement. Il existe une fausse idée qui veut que plus on est riche, plus on a Internet. Or, Internet est pour des milieux défavorisés, un moyen facile pour s’approprier la culture.

 

La vente par correspondance progresse énormément . Et c’est un bienfait car ce peut être un choix citoyen de ne pas utiliser sa voiture pour aller faire ses courses ou se retrouver dans la foule des supermarchés. Cette année,  on constate une montée forte du public avec plus de confiance.

 

Oui, mais il existe des exemples de commandes de livres qui ne sont pas arrivées à temps. Il peut y avoir des escroqueries.

 

Dans cette confiance du public, la sécurisation des moyens de paiement  a été pour beaucoup. Mais cette vente par correspondance d’aliments frais n’est pas nouvelle, il y a vingt ans, en Espagne, on téléphonait, aujourd’hui, on envoie un courrier.

 

Ça me gène, car le contact humain est important, je recherche la convivialité.

 

Mais il ne s’agit pas de faire ses courses ainsi chaque jour, mais d’utiliser ce moyen commode qui peut faire gagner du temps, qui peut aider des femmes ou des couples avec enfants débordés par leurs occupations.

 

Dans le cas de personnes à mobilité réduite, c’est bien.

 

Le commerce, c’est ce qui fait vivre Internet mais il y a aussi une révolution culturelle. Les milieux défavorisés se réapproprient la culture qui était codée, interdite et annexée par les dirigeants et ils ont accès à toute culture qui devient en plus gratuite.

Dans les pays pauvres économiquement, existe un volontarisme très fort pour les nouvelles technologies pour basculer au-delà des barrières. L’Inde émerge aujourd’hui en sous-traitant pour les pays riches parce que leurs ingénieurs enrichissent leur propre pays et ne sont pas partis aux USA.

 

Grâce à une visio-conférence,  les enfants hospitalisés de Toulouse peuvent continuer leurs études et avoir accès à une vie normale. Car l’espoir pour eux, c’est continuer de vivre comme avant pour augmenter leurs chances de guérison.

Ghislaine Pélissier

Propose d’expérimenter aussi avec les enfants malades, les personnes âgées pourraient correspondre avec eux,  ils pourraient aussi le faire avec des classes dans des établissements scolaires.

Mais il faut mettre un bémol à l’usage d’Internet : on y trouve de tout et beaucoup de jeunes peuvent acheter n’importe quoi.

Interventions :

Pour les chinois dissidents, il s’agit de briser l’oppression, cela implique la démocratie. Si on peut communiquer avec Internet, on peut comparer. La transmission de l’information ne peut être arrêtée.

 

Mais quand même il y a des risques.

 

Au nom de la bonne morale, on a interdit Voltaire, l’Encyclopédie a été mise au pilon, aujourd’hui, on la trouve en DVD.

 

certaines dictatures filtrent les informations.

Internet est en effet un moyen d’accès à l’information plus rapide, anonyme. Il faut éduquer les jeunes à savoir vivre avec ce genre d’outil.

 

On peut être démuni devant les sites pornos, pédophiles. Est-ce qu’on peut éduquer ?

 

Pas mal de lois interdisent dans beaucoup de pays. Il est extrêmement difficile d’être véritablement anonyme sur Internet. Un finnois a annoncé qu’il avait trouvé le moyen de casser le code de vente de musique en ligne. Une semaine plus tard,  son site a été interdit. Il est alors allé en Inde, trois jours après, son site était fermé en Inde.

 

Alors pourquoi y a-t-il tous ces produits ou sites pornos ou autres qui circulent sans être inquiétés ?

 

Parce que ce qui circule illégalement ne gêne pas au niveau des États.

 

On ne maîtrise pas la protection parentale mais elle ne sert à rien car les enfants peuvent aller voir ailleurs.

 

Dans un lycée, on a installé un système de filtrage, au bout de deux mois, on ne pouvait pas aller sur Yahoo ni sur la Bibliothèque nationale. A propos des publications pornographiques, il y avait bien autrefois aussi des marchands de journaux et les jeunes les recherchaient .

 

on n’est pas anonyme en effet sur Internet. Une anecdote : sur un site, le forum n’était pas modéré. Quelqu’un a  insulté une personne à titre professionnel et privé, il a été condamné car l’accès public considère celui qui écrit sur Internet comme un éditeur responsable pénalement de ses écrits.

 

Pour accéder à Internet, il faut s’y mettre, c’est comme apprendre à lire et à écrire, ça demande du temps. L’Inde a formé beaucoup d’ingénieurs, c’est maintenant un avantage.

 

Un projet de loi, le LEN, loi sur l’économie numérique, est en discussion  à l’Assemblée nationale sur les aspects du contrôle d’Internet. Il y a une tentation de donner aux hébergeurs la responsabilité de ce qui est sur leur serveur. Ce sont eux qui devront faire la police et interdire certains sites

 

Internet est une mémoire pour conserver, un auxiliaire précieux.

 

Il semblerait qu’on n’aura plus besoin de sauvegarder son courrier. Google proposera bientôt une mémorisation à vie. Autrefois on écrivait peu, mais les écrivains gardaient un double grâce à du papier pelure. Depuis soixante ans, on n’a plus les greniers d’autrefois. Avec Internet, on retrouve cette mémoire.

 

Le courrier électronique, c’est gratuit, mais l’inconvénient d’Internet c’est la publicité et les virus. Comment faire pour contrer ce fléau ? Comment faire pour qu’un courrier soit anonyme ?

 

un courrier est de moins en moins anonyme. Anecdote : un ami rentre chez lui et trouve la police dans son appartement  qui l’emmène au commissariat. Celle-ci avait été contactée par quelqu’un qui avait reçu un message « alerte, mes parents me battent ». En fait, ce n’était pas sa fille, vérifications faites dans l’ordinateur, car ce message ne pouvait pas venir de l’ordinateur de sa fille. L’anonymat n’existe pas. On peut toujours être identifié.

 

Dans le monde des entreprises, ce qui va bouleverser le travail, c’est la révolution dans le fonctionnement en réseau, le GED, la Gestion Électronique Documentaire qui amène un travail mutualiste. Chacun écrit mais le document s’écrit à plusieurs. Le document sera à un seul endroit et chacun pourra y travailler à distance.

 

Une petite révolution aussi actuellement, c’est l’invention des « blogs », des journaux au jour le jour de personnes célèbres comme Noam Chomsky, le linguiste, ou de personnes anonymes qui racontent leur vie.

 

Voilà une activité qui pourrait plaire à nos personnes âgées de la maison de retraite, écrire leur journal, raconter leur vie pour conserver la mémoire et la transmettre.

 

Avec Internet, actuellement, on a une conscience à la fois collective et individuelle de ce qui se passe dans le monde à un moment donné. On a les données en direct.

 

Ce qui exige mais cela a déjà été dit, que chacun garde son esprit critique et ait une éducation en ce sens.

 

 

 

Compte rendu du débat par Nadine Lanneau, secrétaire de Café’In

Les notes prises pendant les débats font l'objet de comptes rendus qui n'ont pas la prétention d'être exhaustifs mais veulent en donner une image la plus fidèle possible.

Chaque sujet fait l'objet d'une exposition à la Bibliothèque municipale et sont recensés sur le site : http://infosainto.free.fr à "Culture"

 

 

« 65% des foyers français équipés d’un micro ordinateur avaient accès à Internet à domicile » : cela correspond à 6,9 millions de foyers français.

"Développer l’esprit critique des élèves est l’affaire de toute l’équipe éducative, c’est l’affaire de l’école, c’est l’affaire des parents, c’est l’affaire aussi des associations, de tous ceux qui font partie de ce système d’éducation". Internet scolaire : la liberté surveillée. Interview de Pierre Gardenat, Service Informatique du rectorat de Rennes, Bureau du développement des usages TIC