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Café'in... Les archives de nos débats...
1er Février 2004 : Pourquoi voulez-vous qu'ils lisent ?
Dans le cadre du 2 ème
Festival de littérature de jeunesse de Midi-Pyrénées,
dans la Salle polyvalente de Saint Orens
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Jean-Claude Barrère,
Spécialiste de Littérature de jeunesse,
dans un débat présenté par Véronique Barsonny, avec :
Nicole Folch,
Présidente du CRILJ (Centre Régional d'Information sur la Littérature de Jeunesse)
Bernadette Pourquié-Paysant,
Responsable d'ENTREMOTS, Auteur, Directrice de collection pour adolescents.
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Michel Sarailh ouvre le débat, présente les invités et l'association dans le cadre du Festival du Livre de Jeunesse de Midi-Pyrénées. |
Le public était nombreux à venir débattre... |
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"Le verbe "lire" ne supporte pas l'impératif. Aversion qu'il partage avec quelques autres : le verbe "aimer"... le verbe "rêver". Daniel Pennac "Comme un roman", Gallimard, 1992.
Parents, enseignants, ne sommes-nous pas souvent désorientés devant cet adolescent qui refuse le plaisir de lire que nous lui avons fait découvrir quand il était enfant ? Mais ce "plaisir de lire" que nous assénons aux jeunes est-il si évident ? À l'âge de l'adolescence, n'existe-t-il pas d'autres plaisirs plus immédiats, le skate, la tv, les jeux vidéos, les rencontres avec les copains ? Est-ce si facile de se plonger dans une lecture qui trop souvent renvoie à l'obligation scolaire ? Pourtant l'adolescence est ambigüe : à la fois remise en question mais aussi recherche de soi : comment alors accompagner les adolescents dans cette quête à travers la lecture ? Quelle politique de la lecture pourrait se mettre en place au niveau d'une ville ?
Pourquoi voulez-vous qu'ils lisent ?
CaféIn a invité :
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Jean-Claude Barrère, formateur à l'IUFM de Toulouse, spécialiste de Littérature jeunesse - formateur pour les enseignants et les Bibliothécaires
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Nicole Folch, présidente du Centre Régional d'Information sur la Littérature de Jeunesse (C.R.I.L.J.)
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Bernadette Pourquié-Paysant, responsable d'ENTREMOTS (1) et de la Lettre de Marmousse : structure de formation et d'animation autour de la Littérature de Jeunesse - Auteur de Littérature de jeunesse et directrice de collection pour adolescents.
Lanimatrice était Véronique Barsony
Dans certaines cultures, on enterrait les livres lorsqu'ils étaient usés. Dans les autodafés, on a brûlé des livres, rappelons-nous l'Inquisition, le régime national-socialiste, on brûle encore des livres aujourd'hui comme dans le dernier conflit bosnique, . Le livre a une valeur particulière, il est un symbole.
Les livres ont-ils lus à l'heure actuelle ? Ont-ils encore de la valeur ? Faudrait-il élever le prix de vente pour qu'ils retrouvent une certaine valeur ?
Nicole Folch
- À son époque, dans le milieu rural qui était traditionnel, collectif, il ne fallait pas lire car on devait toujours occuper ses mains. Lire faisait échapper l'individu à la communauté ambiante. On échappait à la surveillance. Dans les maisons, il y avait peu de livres, la Bible, le Chasseur Français. Si on lisait, on transgressait quelque chose.
- Souvenirs de cinquième au lycée : la professeur de français proposait d'amener sa classe à la bibliothèque quand les élèves l'auraient mérité. Lire était une récompense, le professeur était aussi un modèle. La visite à la bibliothèque durait quelques minutes pendant lesquelles on empruntait un peu au hasard. Les livres étaient couverts avec du papier bleu, pas d'illustrations pour attirer l'oeil, l'uniformité régnait. Les temps ont bien changé pour les adolescents.
- Le C.R.I.L.J. est une association nationale qui analyse les livres lors de réunions mensuelles. À l'origine, les Francas ont impulsé le mouvement puis se sont engagés des enseignants au moment de la création des Bibliothèques Centres Documentaires (B.C.D.). Aujourd'hui, on est dans le cadre de l'illettrisme. L'association forme des mouvements associatifs, et surtout en direction de la Petite Enfance, car le livre est donné de plus en plus tôt dans les crèches, les haltes-garderies.
Bernadette Pourquié-Paysant
- ENTREMOTS est une structure indépendante de formation et d'information qui fait aussi de l'animation dans les écoles. L'auteur dirige une collection de jeunesse dont un secteur pour adolescents chez Zulma, éditions.
Jean-Claude Barrère
- Son action : Il forme à l'IUFM les stagiaires de tous les niveaux d'enseignement pour leur faire découvrir la Littérature de Jeunesse en Bibliothèques Centres Documentaires des écoles (BCD) et en Centres de Documentation et d'Information des Lycées et Collèges (CDI). Il appartient aussi au C.R.I.L.J. Il forme aussi les bibliothécaires et les associations.
- Les pratiques de lecture sont ancrées historiquement par rapport à des états de la société et de la culture. On ne peut pas dissocier la lecture des autres offres culturelles. Il faut se demander comment un jeune est pris entre des offres culturelles différentes, la musique, le cinéma, la lecture. Pour être un médiateur conscient, il faut s'interroger. Des études existent : la Documentation française analyse les pratiques culturelles des adultes et récemment, fin 1999, celles des adolescents (2). Elles sont rassurantes et rejoignent l'étude de Baudelot "Et pourtant ils lisent..."
- Par rapport à nos représentations, le jeune n'accorde pas au livre une valeur symbolique comme nous. Pour lui, le livre n'a qu'une valeur d'usage. Il l'utilise à des moments, par rapport à des projets de lecture précis. La lecture n'est pas que la lecture des romans, de la fiction, en gros la lecture littéraire. Le livre sert à s'informer, se défendre aussi. Et les supports sont différents.
- Notre époque circule entre des biens culturels : des oeuvres classiques sont adaptées au cinéma. Comment nous, médiateurs, utilisons-nous ces entrées ? Il faut cependant se méfier de la démagogie de certaines productions.
Bernadette Pourquié-Paysant
- Les pratiques culturelles sont multiples par rapport au passé. Le danger est de stigmatiser les ados par rapport à la lecture. Les adultes ont-ils de meilleures pratiques lorsqu'ils sont submergés par le travail, quelles sont leurs activités de loisirs ? Il ne faut pas mettre les ados sur la sellette. Le sociologue Pierre Bruno , (3)lors de la Journée Professionnelle du Festival samedi, a montré que les pratiques culturelles des ados étaient équivalentes à celles des adultes.
Jean-Luc Barrère
- Pierre Bruno a écrit "Existe-t-il une culture adolescente ?" "Les Jeux vidéos" et "La Culture de l'adolescence à l'heure de la mondialisation".
- Restaurer la lecture chez les adolescents, c'est restaurer un sujet. Mais lecteur ou pas, est-ce que nous accueillons son interprétation ? Clubs, comités de lecture, concours peuvent aider à favoriser la communication. La lecture ne doit pas être considérée comme relevant du domaine privé, mais comme un moyen d'aller vers l'autre. La lecture, ce n'est pas que la lecture-miroir, ce n'est pas que la lecture d'identification Il faut trouver des situations sociales de communication.
Intervention
- Pour les parents et les enseignants, les jeunes ne lisent pas. La question est : pourquoi lit-on ? Quand il était en classe, il avait des raisons de lire, mais d'autres ne lisaient pas. Ce n'est pas nouveau, donc. Grand adepte de la lecture, donc, il est devenu professeur de lettres.
- Aujourd'hui, il y a des pratiques culturelles qui se rapprochent de la lecture : Pour certains de ses élèves, la musique a à voir avec la poésie, ce n'est pas qu'un moyen de se dandiner, ils accordent de l'importance au texte. Ils collectionnent des textes. La génération des cinquantenaires est une génération de la consommation des livres, et avant tout du roman. Donc, il est parfois difficile d'imaginer autre chose pour certains adultes.
- Montaigne, écrivain et le maire de Bordeaux de l'époque, un intellectuel, avait une bibliothèque de seulement cent livres. Rousseau qui se vantait d'avoir commencé à lire à cinq ans, avait reçu en héritage de son grand-père, un intellectuel aussi, une dizaine de livres, c'était pourtant un foisonnant lecteur. Il faut relativiser.
- À quoi sert la lecture ? Un livre, c'est personnel, ce n'est pas uniquement ce que le prof demande de lire.
- D'autre part, on lit certains livres à un certain âge, d'autres à un autre, cela diffère selon les personnes pour un même livre. Certains devront attendre des années avant de se plonger dans la lecture de tel auteur qui leur est tombé des mains quand ils ont essayé de le lire, jeunes, alors que d'autres le liront facilement dans leur jeune âge et c'est vrai de la même façon pour les profs de lettres.
Intervention
- L'accès au livre est souvent difficile dans les milieux défavorisés. Dans sa famille ouvrière, cette personne n'a pas eu de livres dans son enfance. Il y a des inégalités profondes contre lesquelles elle lutte dans la zone du Mirail en tant que parent d'élève et dans le milieu associatif. Dans une famille qu'elle vient de rencontrer, elle n'a trouvé qu'un seul livre : le Dictionnaire des collèges, fourni par le Conseil Général aux élèves. Quand le parent est lecteur, l'enfant est lecteur.
- Quels moyens on se donne ? Par exemple, il y a des établissements scolaires qui demandent l'achat de livres qui coûtent cher à certains parents. Les réponses peuvent être trouvées dans les BCD ou les bibliothèques de quartier à condition qu'elles soient fournies. Dans sa jeunesse, elle a eu la joie d'aller à la bibliothèque de son quartier. Comment l'état, l'école, le quartier peuvent-ils résoudre le problème ? Parfois le CDI est fermé parce qu'il n'y a pas de personnel. l'État se désengage.
Nicole Folch
- On souscrit complètement.
- Le rapport à la lecture pour l'adolescent, est dans la construction de soi. Michèle Petit dans "Éloge de la lecture" (4) parle de construction de soi, non de lecture d'évasion et quel que soit le milieu. La lecture est très importante pour des jeunes en miettes, des toxicomanes en particulier. Passeron a observé dans un hôpital des jeunes qui se passionnaient pour "Le Rouge et le Noir" de Stendhal parce que pour eux, le rouge, c'était le sang et le noir, la mort. C'était pour eux quelque chose de fondamental qui les attirait.
- Le rapport à l'écrit a changé aujourd'hui. La littérature d'autrefois était une littérature de transmission des valeurs collectives, elle était sacralisée. Les jeunes ne sont plus dans cette sacralisation.
- Est-ce que les humanités, les valeurs, peuvent se construire maintenant en dehors du livre ?
- Dans le débat sur la prévention contre l'illettrisme : dans les milieux défavorisés, la question est la même : "Qui suis-je ?", "Quelle lecture puis-je faire du monde ?"
- On s'aperçoit que l'influence du milieu familial est importante, le rôle de la mère qui amène son enfant à la bibliothèque par exemple est important. Mais des actions ont lieu dans les crèches et en direction de la Petite enfance.
Intervention
- d'une personne qui a également milité en tant que parent d'élève, dès 1982, date du lancement généralisé des BCD par le ministre de l'éducation J.P. Chevènement, et qui se trouvait dans la Manche, département où il y avait (encore aujourd'hui ?) le taux d'analphabètisme le plus important de France. D'où son engagement. Ensuite, interventions dans une maternelle à Toulouse dans une équipe de parents en collaboration étroite avec les enseignantes. Le parent est alors complémentaire de l'enseignant, il ne prend pas la place d'un professionnel.
- Constatation dans ces périodes-là, par des lectures personnelles car il n'y a eu aucune formation pour les parents que l'on invitait à entrer dans l'école, qu'il ne suffit pas de mettre des livres à disposition, en quantité, pour que ces livres soient lus. Une médiation est nécessaire. Le livre est un moyen d'entrer en contact avec un enfant, de le faire parler de ses problèmes et de le faire pénétrer dans le monde de l'imaginaire ou de la découverte. Constat que pour beaucoup d'enfants et de même pour les ados, l'entrée dans un livre est difficile, donc leur lire le début des livres à voix haute est un excellent moyen de leur faire franchir le pas.
- Pour dire que d'autres médiateurs que le milieu familial existent, et peuvent exister, à l'école en particulier, si celle-ci est ouverte aux partenaires. Difficile souvent en école élémentaire.
Intervention
- La lecture, c'est la recherche du sens. Il faut un électrochoc pour prendre conscience de l'intérêt de la lecture.
- Le goût de la lecture, c'est la mère qui le donne, comme son odeur introduit au monde.
- Où sont passées les émissions littéraires de la tv d'autrefois, du dimanche après-midi qui faisaient connaître les livres ? On a jeté l'eau du bain et le bébé ne sait plus nager.
- Les ados ne devraient pas être seulement des consommateurs. Lire Conrad et se laisser aller sur la mer...
Jean-Claude Barrère
- Le goût de la lecture commence par le goût du langage. C'est important en maternelle, en élémentaire, mais c'est aussi important pour les ados.
- Le langage passe aussi par l'écriture. Actuellement, se développent des ateliers d'écriture. Claude Duneton en a beaucoup parlé entre autres dans "Je suis une truie qui doute" (5). Quand quelqu'un écrit, il choisit sa liberté. Il lit autrement ensuite.
- Combient de jeunes écrivent ? Il semblerait qu'il y en ait beaucoup, d'après Le Monde qui a fait une enquête. Ils écrivent surtout des autobiographies, des poésies.
- Les adolescents ne sont pas les lecteurs que nous imaginons.
- Effectivement, pour amener à la lecture, de nombreuses médiations sont nécessaires : le milieu familial, mais aussi, culturel, associatif, l'école.
- On est marqué par sa première entrée dans le livre quand on était petit. Pourquoi, cet album qui a tant plu à l'enfant quand il était à l'âge de la maternelle n'est-il pas repris à un âge plus avancé ? Les albums ne concernent pas que les tout-petits! Il faut casser les stéréotypes.
Bernadette Pourquié-Paysant
- Il faut prendre en compte tous les types de lecteurs et tous les types de supports même en dehors du livre.
- Professeur de français avant d'être auteure et éditrice de Littérature de jeunesse, elle a eu un jour une classe de seconde option sports peu encline à faire du français. En fait, par une action au niveau individuel, un enseignant peut amener des élèves à lire. Une élève ne lisait encore en seconde que des bibliothèques vertes : à quoi cela aurait-il servi de l'ignorer ou de stigmatiser son inculture ? Il ne faut surtout pas avoir un regard condescendant sur des pratiques. Certains élèves ont peur de se lancer dans des livres de mille pages.
Intervention
- Il faut une maturité nécessaire pour entrer dans la littérature adulte.
- A son époque, on étudiait au lycée l'histoire littéraire de façon linéaire.
- Ne risque-t-on pas actuellement des blocages face à un enseignement avec trop de techniques qui font penser aux mathématiques modernes ?
- En tant que parent, comment aider sa fille pour l'achat de livres ? Le Conseil Général offre des carnets de réductions mais ensuite ? Qui conseille ? Un jeune ne sait pas quoi en faire.
Jean-Claude Barrère et Nicole Folch
- Les libraires peuvent conseiller.
Intervention
- La lecture n'est pas une question de moyens financiers. Dans les foyers les plus démunis, on trouve des magnétoscopes, des tv, etc. Les parents préfèrent des plaisirs plus immédiats.
- D'autre part, on ne peut pas faire lire un ado qui ne veut pas.
Intervention
- On a toujours parlé de la perversion de la jeunesse depuis Socrate. Les jeunes ne font pas ce que les adultes attendent d'eux. Les adultes ont toujours tendance à rechercher des perversions chez les jeunes, dans leurs pratiques qui ne correspondent pas à ce qui est attendu d'eux. Voir des films par exemple...
- Pourtant, à l'université, dans les années soixante-dix, un prof de philo expliquait comment regarder un film...
- Les ados d'un lycée professionnel d'une cité lisent des choses qui les concernent. Souad, une élève a proposé un titre à son prof. Il faut que les professeurs acceptent l'échange, que les recommandations de lecture ne soient pas à sens unique. Un élève de quatrième technologique a ainsi fait connaître à son prof : "Quand j'avais cinq ans, je m'ai tué", une élève de troisième technologique, "Le Grand cahier" d'Agota Christof qui l'avait bouleversée mais où elle n'avait évidemment pas vu tout ce que lui, adulte a pu y percevoir, le livre étant d'un abord difficile, mais elle l'avait lu et en a parlé.
- Beaucoup d'élèves écrivent leurs mémoires, des poèmes, travaillent dans des ateliers d'écriture dans ce lycée professionnel.
- Internet permet aussi l'écriture à travers la communication par le chat et le courrier électronique.
Intervention
- d'une personne ayant appartenu à ATD Quart monde qui allait dans les cages d'escalier amener des livres. Car si les parents de milieux défavorisés préfèrent acheter des magnétoscopes, l'enfant est pris en otage, c'est le choix des parents, pas des enfants. Il faut des médiateurs pour aller vers eux.
- Par rapport aux enseignants de collège et lycée : pourquoi donne-t-on des listes de livres qui n'intéressent personne ?
Intervention
- Personne non enseignante qui signale que beaucoup d'enseignants partent des centres d'intérêt de l'enfant. Il y a peut-être des livres au programme mais des professeurs passionnés ont une attitude pleine de souplesse.
Nicole Folch
- La lecture, c'est aussi un choix. On ne choisit qu'à partir de ce que l'on connaît.
- De plus, à l'heure actuelle, les lectures sont multiples et difficiles dans la vie quotidienne par rapport au passé où la lettre était simple à lire par exemple. Aujourd'hui, pour beaucoup, il est difficile de s'y retrouver dans des lettres qui adoptent des codes dans lesquels il faut entrer. L'illettrisme se situe aussi là.
Jean-Claude Barrère
- À quel moment entre-t-on en littérature ? Dès l'alphabet. À quel moment, un lecteur a-t-il une activité de lecture littéraire ? Lorsque il parvient à prendre de la distance, qu'il apprécie le texte, et ce n'est pas forcément dans une explication de texte. C'est lorsqu'il se demande comment un écrivain, un créateur s'y est pris pour écrire, quels sont les différents points de vue.
- Cette attitude est différente d'une lecture fascinée, d'une lecture d'identification.
- Un livre est à la rencontre de deux univers : Umberto Ecco parle des théories de la réception de l'oeuvre, comment aussi un texte est inscrit dans une tradition, comment les oeuvres se répondent entre elles.
- Comment mettre en perspective le patrimoine en dehors d'une obligation scolaire d'aborder les classiques ? Comment assurer la continuité de cet apprentissage du littéraire à travers d'autres formes peut-être ? C'est la lecture du symbolique qui se pratique déjà en maternelle.
Intervention
- Par rapport à l'intervention sur les techniques d'apprentissage de la littérature qui font penser aux mathématiques modernes : c'est quand même le travail du professeur de français de faire aborder ces techniques, de faire comprendre les textes de l'intérieur, de montrer comment ils fonctionnent, mais aussi, c'est une entrée pour en écrire soi-même. Parler de "focalisation", ce n'est pas faire des mathématiques modernes, c'est se demander qui est le personnage, quel regard il porte sur le monde, sur l'action, quels sont les points de vue développés. Et ceux-ci sont nombreux, ce sont des jeux sur l'écriture. Mais avant tout, le professeur de français doit faire aimer la littérature et ne pas la réduire non plus à une affaire de techniques.
- Le problème en fait, relevé par cette intervention, et qui, samedi, a été mis en lumière par le sociologue Pierre Bruno, c'est que les jeunes aujourd'hui constituent une classe homogène même si des courants divergents la traversent, à cause de la scolarisation de masse. Et à l'intérieur de cette scolarisation, en même temps que se crée une culture plus ou moins commune, s'exacerbe une compétition qui demande du résultat, tout le monde veut du résultat. Donc, au lieu de lire le livre, on va aller recopier les "Profils d'une oeuvre" ou copier-coller des pages d'Internet. C'est un effet pervers du système qu'il faut condamner.
- Comment le littéraire, la "littérarité" comme le disait aussi le sociologue, peut se rencontrer ailleurs que dans les livres, et en particulier hors des oeuvres littéraires classiques ? D'abord, même en lycée, les professeurs documentalistes de CDI doivent offrir de la Littérature de Jeunesse et pas seulement des classiques. Ensuite, d'autres formes existent : le cinéma par exemple. Les adaptations cinématographiques d'oeuvres littéraires font entrer dans les oeuvres écrites. Mais également des films très regardés par les jeunes, comme ceux de Schwarzeneger,"Total Recall", "Last action heros" ou la série des "X-files" ont des récits trèrs complexes. L'écriture en est souvent très littéraire en fait, avec des formes qui empruntent au "Nouveau Roman" ou à l'avant-garde. "Scream" a une forme d'écriture très sophistiquée. C'est un film "gore" où pour survivre, les jeunes doivent suivre les règles du film "gore" dans lequel ils évoluent.
Nicole Folch
- C'est aussi l'objet de nos discussions au C.R.I.L.J.
Intervention
- L'image doit être décodée, une éducation est à faire. Les dispositifs pluridisciplinaires comme les Travaux personnels encadrés en lycée, les Itinéraires de Découverte en collège et les Projet pluridisciplinaires à caractère professionnel peuvent être de formidables leviers pour faire entrer cette éducation à l'image et pour découvrir le littéraire, le symbolique à travers l'image et le cinéma. Des projets peuvent exister au CDI avec un travail en équipe entre professeurs de français et professeurs documentalistes. On peut faire des débats après avoir passé un film.
- Le sociologue Pierre Bruno a montré aussi à travers l'étude de la presse ado, que la production de la Littérature de Jeunesse a à faire avec l'idéologie. Que voulez-vous qu'ils lisent, ces ados des cités par exemple, quand l'analyse des journaux révèle que les différents types de journaux sont des cibles bien choisies selon les milieux sociaux auxquels il s'adressent? Et l'album qui valorise majoritairement la maison individuelle et ne représente pas ou peu l'appartement en logement social ? On pourra toujours se demander après, pourquoi existent des replis identitaires dans notre société.
- On aurait pu faire un débat sur les représentations à l'oeuvre dans la production pour les ados, représentations sociales, sur les filles et les garçons, les cultures.
Béatrice Pourquié-Paysant
- La rencontre avec les auteurs est importante pour faire connaître la Littérature de Jeunesse. Les livres n'apparaissent plus alors comme des objets poussiéreux, il y a des gens derrière.
- Il est important aussi de montrer aux adolescents la chaîne qui lie l'auteur, l'éditeur, le libraire et le lecteur.
Intervention
- Très souvent, le parent n'est pas le mieux placé pour faire lire à la maison.
Jean-Claude Barrère
- L'éducation à l'image est essentielle, elle commence d'ailleurs dès la maternelle.
- Toutes les formes de lecture ont de la valeur, la lecture de l'image dans l'album par exemple même pour les plus âgés, les bandes dessinées.
- Il faut laisser lire. Et il faut des médiateurs (6) de toutes sortes et de toutes origines.
- Compte rendu du débat par Nadine Lanneau, secrétaire de CaféIn
- Les notes prises pendant les débats font l'objet de comptes rendus qui n'ont pas la prétention d'être exhaustifs mais veulent en donner une image la plus fidèle possible.
- (1) Bernadette Pourquié-Paysan : Entremots : Édition et Littérature Jeunesse.
- Exemple d' ateliers concernant la littérature pour adolescents (niveau lycée) le samedi 28 février 2004, de 9 à 12h et de 14h à 17h :
- "L'Aventure de l'édition" : faire découvrir aux adolescents une autre facette du livre : sa création (écriture, illustration) et sa réalisation. Démonstration de pré-maquettes et maquettes de livres, dessins originaux, argumentaires, etc.
- "La vie d'une collection : les romans de Zulma Jeunesse" : création d'une collection, choix éditoriaux, les différents acteurs, son histoire dans la durée.
- (2) Voir le descriptif de l'enquête sur la page du CNRS
- (3) Pierre Bruno
- est Maître de Conférence à l'IUT de Dijon, collaborateur des revues : " Le Français aujourd'hui" et "Nous voulons lire!". Il est intervenu lors de la Journée Professionnelle du Festival de la Littérature de Jeunesse de Midi-Pyrénées, le samedi 31 Janvier 2004. Auteur de nombreuses publications :
- Bibliographie
- Voir sur Internet le compte rendu de la 5 ème rencontre professionnelle : "Les adolescents et la lecture" "L'image dans la culture adolescente" - Université de Lille 3, le 20 novembre 2001 avec des interventions de Pierrre Bruno.
- Noter dans l'intervention sur les jeux vidéos et l'audiovisuel en général :
- "Le poids de laudiovisuel dans la culture des collégiens et des lycéens nest donc pas liée à une quelconque nature adolescente ou à un déclin de la culture voire à la décadence de la jeunesse mais à des mutations plus lourdes qui concernent lensemble du corps social, génération après génération."
- (4) Petit, Michèle. Éloge de la lecture. La construction de soi. Paris : Belin, 2002. 159 p. ; 22 cm. (Nouveaux mondes).
- (5) Duneton, Claude. Je suis comme une truie qui doute. Paris : Seui, 1976.
- (6)Médiateurs
- Les médiateurs professionnels, enseignants, bibliothécaires
- Les médiateurs associatifs :
- les associations de quartier,
- les parents d'élèves,
- une association comme"Lire et Faire lire" qui fait appel à des retraités pour transmettre la joie de la lecture aux enfants, dans quelques cas aux adolescents pour l'instant. Programme proposé par le Relais Civique, la Ligue Française de l'Enseignement et l'UNAF, Union nationale des associations familiales. En Midi-Pyrénées, notamment, les retraités reçoivent maintenant une formation du C.R.I.L.J.