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6 mars 2003 : L'eau potable? Mais à quel prix...

L'eau potable, à quel prix ?

Compte rendu de la réunion publique organisée par CAFE’IN, à St ORENS, le 6 mars 2003

Intervenants présents :

Le traitement de l’eau potable

Corinne Cabassud, présente les aspects techniques du traitement de l'eau potable : pompage et envoi par réseau à l'unité de production d'eau potable, puis stockage et distribution dans le réseau des usagers. La production d'eau potable doit tenir compte de la fluctuation de la qualité initiale de l'eau pompée, afin de respecter les normes de qualité (53 paramètres sont contrôlés), avec alerte et arrêt de la distribution en cas de pollution.
Plusieurs étapes sont nécessaires pour assurer la potabilité de l'eau :

  1. élimination des plus grosses particules par une grille,
  2. décantation, précédé d'une étape de coagulation et floculation (des réactifs permettent d'agglomérer les particules en suspension dans l'eau),
  3. filtration sur sable - un procédé vieux de 2000 ans !,
  4. ozonation (réaction permettant de casser les molécules - notamment pesticides, fixées ensuite sur du charbon actif),
  5. chloration pour maintenir la qualité de l’eau pendant son transport dans le réseau.

Les solution techniques existent donc pour éliminer :

  1. les matières en suspension : floculation, puis décantation et filtration,
  2. les bactéries et virus : filtration et chloration,
  3. pesticides : ozonisation et adsorption,
  4. nitrates : résines échangeuses d'ions ou procédé biologique
Quels impacts sur la santé de ces traitements de l'eau ?

De nouveaux procédés permettent de prévenir ces risques, en utilisant un procédé physique de séparation par membranes. L'ultrafiltration utilise des tubes de 1mm de diamètre possédant des pores de 0,01 micron, qui retiennent particules, virus et bactéries, limitant ainsi l'usage de chlore et de réactifs.
Les normes sur l'eau potable s'appuient sur des décrets de 89 et 95. L'eau doit être propre à la consommation, 53 paramètres sont contrôlés. Un nouveau texte de 2001, pour lequel les décrets d'application sont attendus, indique que la qualité doit être assurée au niveau du robinet de l'usager, mais les méthodes restent encore à définir. 45 paramètres seront pris en compte, avec deux types de critères :
- limite de qualité (par ex. un taux de nitrates < 50 mg/litre),
- une référence de qualité, donc une recommandation.La limite pour les pesticides sera de 0,1 mg/litre pour chaque pesticide et de 0,5 mg/litre pour l'ensemble.
Pour le plomb, si la limite est actuellement de 50 mg/litre, elle devra descendre à 25 mg/litre en decembre 2003 et 10 mg/litre en 2013. Il faut noter la présence du plomb, due à des canalisations en plomb, n'a lieu que dans le cas d'une eau peu minéralisée et acide. Le risque est toutefois à relativiser par rapport au taux de plomb présent dans le vin ou les plombages dentaires !!!

Comment protéger et préserver les ressources ?

De nouvelles perspectives ...

L'eau usée peut être considérée comme une nouvelle ressource en eau. Pourquoi rejeter une eau traitée dans le milieu naturel ? Au Japon ou en Thaïlande, l'eau usée est recyclée pour les usages non alimentaires.

Le prix de l’eau et de l’assainissement

Corinne Cabassud poursuit ses interrogations sur le prix de l’eau, par rapport aux différentes interventions humaines nécessaires pour la rendre potable :
L'eau potable est-elle chère ?
Dans le bassin Adour-Garonne, le prix moyen du mètre3 est de 2,68 :€, à comparer au prix de l'eau en bouteille (330 € par m3 !). Si on fait un bilan écologique, il faut rappeler qu'il faut 1,5 litre de pétrole pour produire une bouteille plastique de 1,5 litre d’eau.
Est-il raisonnable d'utiliser de l'eau potable pour tout nos usages ?
Si nous utilisons 10l/jour/personne pour la boisson et l'alimentation, nous en consommons :
40 l/douche, 150l /bain,
15-20 l pour le lave-vaisselle et 20-50 l pour le lave-linge,
6-12 l/chasse d'eau dans les WC,
4-9 l/jour/m2 pour l'arrosage du jardin,
50000 à 80000 l/piscine !

Les sources d'évolution des prix proviennent de :

Quels sont les moyens techniques pour diminuer le prix de l'eau ?
- le double réseau comme à Paris, mais n'est réalisable que pour des villes nouvelles,
- protéger et préserver la ressource- recycler et moins consommer d'eau de qualité potable,
- éviter l'urbanisme diffus, à cause du coût des réseaux d'eau,

Les différents modes de gestion de l’eau en France/ Le contrat de St Orens

Patrick Dumont, Chef d'agence Centre Garonne de Lyonnaise des Eaux France, présente les différents modes de gestion :
- soit par une régie publique
- soit par une société de droit privé (en concession, comme à St-Orens, où Lyonnaise des Eaux France assure la totalité du service, dont les investissements d’extension du réseau/ nouvelles installations - ou en affermage, où l’entreprise délégataire assure la totalité du service, avec seulement les investissements de renouvellement).
Dans la tarification, il faut distinguer plusieurs parts :

Un point du débat porte sur la question de l'abonnement, car moins on consomme, plus le prix du m3 est élevé (la part fixe de l’abonnement devenant plus importante) .
Concernant le contrat de St Orens, les ressources pour alimenter en eau la ville proviennent pour les 2/3 de la Montagne Noire, et 1/3 de l'eau de la Garonne (Compagnie Générale des Eaux). A l'étude actuellement l'augmentation de la part de l'eau venant de l’Institution de la Montagne Noire, moins chère.
A St-Orens, le rendement du réseau varie entre 89 et 92%, les pertes en eau sont donc relativement faibles, mais nous sommes ici en zone urbaine. En zone rurale, les pertes pouvant atteindre 30%.
Le prix du mètre cube d'eau est de 2,65 € TTC à St-Orens, prix calculé sur la base d'une consommation annuelle de 120 m3, ce qui correspond à la consommation d'une famille de quatre personnes.
Le tarif moyen est de 2,68 € dans le bassin Adour-Garonne, et de 2,72 € en France, avec des disparités importante, variant de 1,5 à 3 €.


Le débat public / privé de la gestion de l’eau

Anne Bouzinac, présidente de Eau Secours 31, pose la question du choix entre service public ou service privé pour l'approvisionnement en eau et son assainissement.
Dans le monde la gestion de l'eau est à 95% publique, avec des différences marquées de pays à pays, de la Grande-Bretagne dont la gestion et les réseaux d'adduction d'eau sont entièrement privés - mais avec un organisme de contrôle indépendant, à l'Allemagne entièrement publique. Lors de la conférence de Johannesburg, le modèle français de partenariat public/privé a servi de référence.
En France la gestion de l’eau-assainissement, a été privatisée à 50%. Trois grands groupes, la Générale des Eaux (Vivendi), la Lyonnaise des Eaux (Suez) et la Saur (Bouygues) détiennent 80% de ce marché privatisé, instaurant ainsi un monopole de fait. En 97, la Cour des Comptes a mis en garde contre des ententes illicites.
Anne Bouzinac insiste pour que les usagers payent un juste prix et que les sommes versées au titre de la facture d'eau servent uniquement pour l'eau.
Christophe Reineri, Chef d’Agence clientèle de Lyonnaise des Eaux France, rappelle que sur les sommes versées retournent pour 46% aux collectivités, 35% aux grandes entreprises du secteur et 19 % à l’Etat sous formes de taxes. Les collectivités locales sont donc le 1er acteur financier de l’eau en France.
Anne Bouzinac note que si en Angleterre ou aux Etats-Unis les organismes de contrôle sont efficaces, en France les municipalités n'exercent pas un contrôle suffisant, faute de moyens ou de réelle volonté politique.
Est posée également la question des droits d'entrée ou droits d’usage - sommes versées dans les années 90, à la municipalité par une entreprise pour obtenir un contrat d'affermage ou de concession. La Loi Sapin de 1993 a mis fin à cette pratique et aux abus qu’elle avait entraînés. A Castres, par exemple, 96 MF ont été versés, un des montants les plus importants par habitant, alors que le réseau avait déjà été remis à neuf. Ces sommes n'ont pas été reversées au budget annexe de l'eau, mais au budget général, utilisées pour financer des investissements sportifs. C’est aussi le cas de Saint Orens, ou le droit d’entré a été utilisé pour la construction du centre culturel Altigone. Ces investissements ne sont pas remboursés par le contribuable, mais par les usagers du service d'eau, à travers de leurs factures.
Ces transferts de charges ont été jugés illégaux par le Tribunal Administratif à Grenoble, St-Etienne et plus près de nous par le TA de Toulouse en 2001 dans l’affaire de Castres.
En 96, à Castres, la nouvelle municipalité consciente du problème soulevé par une association de consommateurs , avait renégocié le contrat, en répartissant différemment les charges entre la Lyonnaise et la collectivité, entraînant une baisse du prix de l'eau pour les usagers.
Christophe Reineri précise que l'ensemble des comptes (comptes rendus annuels de gestion), dans le cadre des contrats de délégation, sont disponibles pour tout un chacun en mairie. Il indique également que les contrats peuvent être revus en établissant des avenants, à la demande des collectivités locales ou des prestataires : ainsi pour 5000 contrats gérés en France par Lyonnaise des Eaux, plus de 15000 avenants ont été établis, ce qui montre qu'un contrat est une relation vivante dans le temps.
A noter que pour moraliser le marché, la Lyonnaise avait décidé de supprimer les financements aux partis politiques ainsi que le versement de droits d'entrée avant que la Loi ne l’impose dès 1992.Pour Anne Bouzinac, on assiste à l’heure actuelle, à une financiarisation de la gestion des entreprises ; Ainsi par exemple, Vivendi a transféré les provisions pour le renouvellement des réseaux à une de ses filiale, société d'assurance basée en Irlande, où les sommes ont depuis disparu.

Pour conclure Anne Bouzinac souligne que la solutions aux différents problèmes de l’eau, est avant tout politique :
- volonté de réduire à la source les pollutions agricoles générées par un mode d’exploitation productiviste (le monde agricole, qui prélève 70% de l’eau et est responsable de 74% de sa nitritisation, n’acquitte que 6,5% de la facture globale).
- volonté d’instaurer une véritable transparence des modes de gestion et une démocratisation de la vie publique par une réelle participation des citoyens aux décisions qui les concernent.

FIN DES DEBATS
Compte rendu de Michel Sarrailh, président de Café’In